Le 10 avril dernier avait lieu l’inauguration du Fab Lab de la bibliothèque de Brossard. Le nouveau laboratoire de fabrication de 400 mètres cube intégré à la Bibliothèque publique de Brossard se veut être un espace d’intégration et de développement social qui vise à améliorer les compétences technologique et informatique des citoyens dans une perspective d’inclusion numérique.

Le Fab Lab de la bibliothèque de Brossard est ouvert au public depuis le 8 février et possède une vaste gamme d’équipement à la pointe de la technologie : imprimantes 3D, numériseurs 3D, découpe au laser, etc …  Une équipe passionnée assure l’animation de formations, d’atelier et est présente pour accompagner les usagers avec leurs projets personnels. Le Fab Lab de la bibliothèque de Brossard qui en est encore à ses premiers balbutiements à déjà créé un engouement dans la communauté. Il n’aura pas fallu longtemps avant que des citoyens s’approprient cet espace ouvert et innovant.

Maxime St-Jacques Couture, l’animateur (Fab Manager) du Fab Lab a accepté de nous rencontrer afin de nous parler de sa vision du monde des Fab Labs et de nous renseigner sur la réalité méconnue du rôle d’un Fab Manager. 

Entretien avec Maxime St-Jacques Couture, Fab Manager

Qu’est ce qui vous a amené à vous intéresser au monde des Fab Labs ?

J’étais motivé par le désir de transmettre les connaissances, de cultiver la curiosité.

Lors de mes activités de théâtre et de certains projets personnels, j’ai dû bricoler, je n’ai pas peur de l’expérimentation et de l’essai-erreur.

Comment êtes vous entré en contact avec ce type d’initiative ?

J’ai visité échoFab et le Fab Lab du PEC afin de m’initier à l’univers des Fab Labs.

Pouvez vous présenter ce qu’est véritablement un Fab Manager ? Ses tâches ?

Bonne question! J’estime qu’un Fab Lab repose sur trois piliers: La technologie, l’animation et la communication.

  • Le Fab Manager se veut avant tout un gestionnaire (manager), quelqu’un qui comprend la vocation des Fab Labs, qui a une vue d’ensemble, qui peut organiser, prioriser.
  • Le Fab Manager doit s’assurer que le Lab est fonctionnel (entretien des équipements, lieu propre et organisé, horaire)
  • Le Fab Manager doit cibler les besoins/opportunités d’apprentissage et encourager son équipe à apprendre. Dans la plupart des cas, son équipe est hyper-curieuse et va se livrer à toutes sortes d’expérimentations de son propre chef.
  • Le Fab Manager doit initier les médiateurs et les usagers du lab à la mentalité des «patenteux», à la curiosité, à la débrouillardise, à la collaboration.
  • Quand il lui reste un peu de temps, le Fab Manager doit aller à la rencontre de la communauté et parler de son Lab lors d’événements, mais aussi être attentif à ce qui se passe dans son secteur.

Qu’est-ce qu’il faut pour être un bon Fab Manager ?

Pour être un bon Fab Manager, il faut avoir la passion de pousser les gens à créer. Il ne faut jamais oublier qu’on fait ce travail pour donner accès à des outils de fabrication, pour permettre à nos usagers de s’émanciper, de se dépasser. Un avantage de ce poste est que ce n’est définitivement pas routinier! Chaque journée est différent et j’adore ça! Ce travail permet aussi de rencontrer des créateurs passionnés, c’est formidable.

Quelles sont les plus grandes problématiques auxquelles on fait face lorsqu’on met sur pied un Fab Lab ?

Il y a toujours plein d’imprévus, il faut se donner du temps pour s’ajuster. On sous-estime souvent le temps nécessaire à l’entretien du lab. On a justement dû réduire les heures d’ouverture pour avoir plus de temps pour s’occuper de l’équipement et pour nous former.

Autre beau défi: celui de gérer la diversité. On est en train de mettre sur pied une grille horaire pour accommoder les familles avec de jeunes enfants, mais aussi les adultes qui veulent travailler tranquillement. Ce n’est pas facile d’inclure tout le monde, mais puisque nous faisons partie d’une bibliothèque, ça fait partie de notre mission et je crois que c’est une richesse… même si ça complique un peu les choses!

Qu’est-ce qui explique le lien entre les bibliothèques et le mouvement des Fab Labs ?

Réponse courte: La bibliothèque se veut, surtout depuis les années 90, un lieu d’accès au savoir ET à la technologie. La mission des bibliothèques se bonifie avec le temps. Avant c’était un lieu pour TROUVER l’information, maintenant on veut pousser ça plus loin: COMPRENDRE, APPLIQUER, EXPÉRIMENTER, PARTAGER… c’est désormais un milieu de vie.

Y’a-t-il d’autres types d’organisations qui ont des affinités avec les Fab Labs ? Celui de la bibliothèque de Brossard en particulier ?

On est en train de développer notre réseau, mais nous sommes susceptible de nous lier à des établissements ou groupes scolaires, para-scolaires et communautaires qui ont une vocation d’enseignement, de création et d’expérimentation.

Les Fab Labs semblent souvent se spécialiser dans un type d’action ou une clientèle particulière, est-ce seulement une impression ?

Non, je crois que quand on se met à comparer les Fab Labs on remarque vite leurs forces et leurs particularités! Chacun a sa personnalité.

Qu’en est-il du Fab Lab de la bibliothèque de Brossard ? Voyez vous une tendance qui se dessine ?

Je crois qu’on est un des Fab Labs qui attire le plus les enfants et les adolescents. Ça semble être notre principal facteur de différenciation. On veut développer le secteur jeunesse, sans pour autant délaisser nos adultes. Sinon, on se distingue déjà par notre modèle d’affaires: on est un des rares Fab Labs financés par une municipalité.

Exemple de réalisations qui ont déjà eu lieu dans votre Fab Lab ?

On offre depuis début mars notre première formation officielle sur les bases de l’impression 3D. Évidemment, on fait constamment de la formation informelle et improvisée lors des périodes libres. Il y a aussi l’implantation d’un système qui permet aux usagers de voter pour la prochaine activité du Fab Lab.

Quel est le projet en cours le plus inspirant ?

On suit des cours de couture et de broderie avec des couturières professionnelles, on a hâte de monter une formation pour nos usagers!

Quelle est votre vision du potentiel des Fab Labs pour l’économie? La culture? L’intégration sociale ? Le développement durable ?

Les Fab Labs ont le potentiel de dynamiser et de stimuler la participation citoyenne: solution fait-main en opposition au produit industriel, mixité sociale, créativité et conscientisation citoyenne. Le Fab Lab est un laboratoire de fabrication des objets et des esprits.

Pouvez identifier des utilisateurs-types de ces espaces de fabrication ?

Je ne vois pas de point commun entre les utilisateurs, ci ce n’est qu’ils sont curieux et qu’ils ont un peu de temps libre!

Tout le monde peut-il y trouver son compte ?

Non, il y a tellement de gens qui ne comprennent pas la mentalité de «bidouilleurs»! Ils veulent qu’on fasse tout pour eux et cherchent la gratification instantanée. Ces gens-là repartent déçus. Évidemment, ce n’est pas une cause perdue, mais il faut dire que certains esprits sont plus souples que d’autres. Il y a plusieurs utilisateurs qui me disent avoir la tête dure. Je leur réponds à la blague que mon rôle est de la leur ramollir!

Selon vous, est-ce que les Fab Labs sont assez connus ? Bien compris ?

À mon avis ils ne sont pas assez nombreux! Les gens ne comprennent pas immédiatement le concept. Notre société est «brainwashée» par des réflexes de consommateur. On est trop habitué d’acheter un produit ou un service et notre imagination est souvent ratatinée. Je dirais que les enfants comprennent mieux le concept, ils veulent jouer, essayer des trucs, créer…

Êtes-vous familier avec le concept de Fab City (ex : Barcelone) ? Avez-vous une opinion à ce sujet ? Voyez-vous un potentiel pour une ville comme Montréal d’aller vers cette direction ?

Le concept de Fab City me fait penser aux cités-état de la Grèce antique. C’est une belle utopie. Je crois que le succès de telles cités repose sur l’implication citoyenne. Au moment où on aura des citoyens davantage éduqués, davantage conscientisés et impliqués dans leur communauté, on pourra parler de Fab City. Les Fab Labs peuvent assumer une partie du travail, mais l’ensemble des institutions publiques et communautaires ont un rôle à jouer pour nous rapprocher de la Fab City.

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